Le 5 décembre 2017
Vers le Synode 2018 : « Comment soutenir une vocation », message du pape François
Extrait :
Ces principes m’amènent maintenant à vous présenter certains défis que je trouve importants. Le premier est celui de la confiance. Confiance dans les jeunes et confiance dans le Seigneur. Confiance dans les jeunes car il y a beaucoup de jeunes qui, bien qu’appartenant à la génération « selfie » ou à cette culture qui, plus que « fluide » semble « gazeuse », cherchent à donner un vrai sens à leur vie, même s’ils ne le cherchent pas toujours là où ils peuvent le trouver. C’est ici que nous consacrés nous avons un rôle important à jouer : rester éveillés pour réveiller les jeunes, être centrés sur le Seigneur pour r aider le jeune à se centrer sur Lui. Tant de fois les jeunes attendent de nous une annonce explicite de « l’évangile de la vocation », une proposition courageuse, évangéliquement exigeante et en même temps profondément humaine, sans escomptes et sans rigidité. Et puis confiance dans le Seigneur, certains qu’Il continue de susciter dans le peuple de Dieu des vocations pour servir son Règne. Il faut vaincre la tentation facile qui nous porte à penser que dans certains milieux il n’est plus possible de susciter des vocations. « Rien n’est impossible » à Dieu (Lc 1, 37). Chaque pan de l’histoire est un temps de Dieu, le nôtre aussi, car son Esprit souffle où il veut, comme il veut et quand il veut (cf. Jn 3, 8). Quelle que soit la saison, celle-ci peut être un « kairós » pour moissonner la récolte (cf. Jn 4, 35-38).
Un autre défi important est celui de la lucidité. Il faut avoir un regard perçant et, en même temps, un regard de foi sur le monde, et en particulier sur le monde des jeunes. Il est essentiel de bien connaître notre société et la génération actuelle des jeunes afin qu’en cherchant les bons moyens pour leur annoncer la Bonne Nouvelle, nous puissions leur annoncer aussi « l’évangile de la vocation ». Autrement nous donnerons des réponses à des questions que personne ne se pose.
Un dernier défi que je voudrais signaler est la conviction. Pour proposer aujourd’hui à un jeune le « Venez. Et vous verrez » (cf. Jn 1, 39) il faut une audace évangélique ; la conviction que suivre le Christ, également dans la vie consacrée, vaut la peine, et que le don total de soi à la cause de l’Evangile est quelque chose de magnifique et beau qui peut donner un sens à toute une vie. Ce n’est que comme ça que la pastorale vocationnelle sera le récit de ce que l’on vit et avec laquelle notre vie se remplit de sens. Et c’est seulement comme cela que la pastorale vocationnelle sera une proposition convaincante. Le jeune, comme tous nos contemporains, ne croit plus tellement aux maîtres, il veut par contre voir des témoins du Christ (cf. Paul VI, exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n. 41).
Si nous souhaitons qu’une proposition vocationnelle à suivre le Christ touche le cœur des jeunes et que ces derniers se sentent attirés par le Christ et par la sequela Christi propre à la vie consacrée, la pastorale vocationnelle doit :
Se différencier, de manière à répondre aux questions que tout jeune se pose et à offrir à chacun d’eux ce dont il a besoin pour combler en abondance son désir de recherche (cf. Jn 10, 10). On ne saurait oublier que le Seigneur appelle chacun par son nom, avec son histoire, et qu’il offre et demande à chacun un cheminement personnel et non transmissible dans sa réponse vocationnelle.
Retour sur un article de Gaël GIRAUD paru dans la revue PROJETdu CERAS le 1er novembre 2008 :
"... pour traduire le malaise ressenti face aux inégalités et aux risques d’exclusion, l’investissement le plus naturel est celui de l’identité et de la communauté. Quand l’école et le travail ne sont plus aussi simplement les cadres collectifs d’un passage pour s’inscrire personnellement dans une société, quand ces cadres sont remis en question par les conditions qu’imposent les rudesses d’une modernité de compétition, quand ne sont pas établies de nouvelles formes de reconnaissance qui ne soient pas aléatoires ou arbitraires, le premier moyen – et on ne saurait en oublier la force – pour les individus de trouver une place est de s’appuyer sur des liens d’appartenance pour y chercher un soutien. Reste à savoir si ce sera seulement pour se défendre, se replier, résister, ou aussi pour engager des projets, ouvrir un itinéraire qui en croise d’autres. ...
Et pour être reconnus, les habitants des quartiers se retournent vers des formes de visibilité qui dérangent ! C’est vrai, les robes des musulmans, les barbes, les voiles s’affichent aujourd’hui davantage. Mais sont-ils les seuls ? Les groupes évangélistes et jusqu’aux processions qui refont leur apparition dans les quartiers témoignent du même processus d’affirmation.
Au-delà de cette dimension de religiosité populaire, la co-présence des populations d’origines multiples a transformé profondément le paysage des villes. Elle est une richesse, elle est source de découvertes. Elle est aussi source de peurs, quand le vivre ensemble se trouve malmené. « On n’est plus chez soi » disent d’anciens habitants, qui dès lors s’écartent des espaces communs – les commerces, une Maison de quartier, voire une église – trop marqués.
Mais à ce « on n’est plus » répond le « on n’est pas chez soi » de certains, eux-aussi français pourtant pour beaucoup, mais venus d’ailleurs parfois depuis plus d’une génération. Face aux discriminations, aux épreuves de sélection qu’ils doivent toujours franchir (pour des papiers, pour la formation, pour l’emploi), aux étiquettes qui leur collent à la peau (dans l’opinion et les médias), à l’attitude de la police qui intervient chez eux comme pour reconquérir un territoire, face aux incompréhensions devant ce qu’ils sont, leur culture, leur manière d’être parents, de nouer des solidarités, ils ressentent comme une scission entre leur désir d’habiter pleinement dans la cité et la place qui leur est assignée. ...
Le défi est de conjuguer les ressources que recèlent la diversité des identités culturelles et des itinéraires, ainsi que les capacités à se relier et à s’enraciner. Discrètement, sans que les acteurs en soient toujours conscients, les croisements se font [1]. Ils sont souvent aidés, il est vrai, par la présence de médiateurs (une association, des formateurs, un espace public...) qui accompagnent la réinterprétation de l’héritage de chacun. En donnant la parole, ils permettent de la traduire pour les autres – et pour soi-même, à faire le deuil de certains mots maternels mais à en trouver d’autres qui résonnent de façon nouvelle. Ils permettent d’entrer autrement dans une culture, qui ne soit pas simple reproduction mais invention, et d’y déployer une nouvelle créativité.
Dans les quartiers, les identités sont ainsi questionnées par la présence multiforme d’intervenants sociaux. Mais ceux-ci doivent rester dans leur rôle de médiateur, en se gardant de devenir les agents d’une normalisation. L’ouverture des parcours culturels ne sera vraiment réalisée que par la reconnaissance davantage partagée de porte-parole, non pas comme les représentants de communautés particulières, mais comme les témoins d’une conjugaison d’appartenances différentes, afin de répondre aux questions qui sont celles de tous."
1 / Voir les exemples qu’en donne Pierre Martinot-Lagarde : « Identités populaires » , in Projet n°299, Banlieues, cités dans la Cité, juillet 2007.
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