8 Janvier 2018
Homélie du dimanche de l'Épiphanie
Nous savons qu’après l’épisode de la présence de savants étrangers auprès de l’enfant Jésus, la famille de Nazareth a dû quitter Bethléem pour se rendre en Egypte afin de fuir devant Hérode projetant le massacre des nouveaux nés. Je repense alors aux paroles de François de Rome : « Dans les pas de Joseph et de Marie, se cachent de nombreux pas. Nous voyons les traces de familles entières qui, aujourd’hui, se voient obligées de partir. Nous voyons les traces de millions de personnes qui ne choisissent pas de s’en aller mais qui sont obligées de se séparer de leurs proches, sont expulsées de leur terre. Dans beaucoup de cas, ce départ est chargé d’espérance, chargé d’avenir ; dans beaucoup d’autres, ce départ a un seul nom : la survie. Survivre aux Hérode de l’heure qui, pour imposer leur pouvoir et accroître leurs richesses, n’ont aucun problème à verser du sang innocent. » Je pense à cette homélie de la messe de la nuit de Noël, car elle donne le cadre de notre actualité, ici, à Lyon. Des gens venus de loin, des étrangers, reconnaissent la présence de Dieu dans un enfant.
Afin d’approfondir la dimension universelle de l’Eglise, je me tourne vers la seconde lecture. Il nous faut savoir qui est Paul, auteur de la lettre aux Éphésiens.
Paul et né loin de Jérusalem, à Tarse en Cilicie (Actuelle Turquie). C’est un membre de la diaspora juive informé des coutumes païennes romaines et grecques, c’est-à-dire païennes, non juives. Ses parents l’ont formé à une vie pluriculturelle ouverte à tous les courants de pensée.
Paul avait une ferveur religieuse qui dépassait, voir inquiétait son entourage. Il veut mieux connaître la Loi d’Israël et pour cela se rend à Jérusalem dans une école supérieure d’enseignement de la Thora (La Bible, la Loi juive). Certains historiens le décrivent comme un jeune fou, surexcité, fanatique, prêt à tous les coups pour que triomphe la cause pharisienne à laquelle il croit fermement. Je me l’imagine avec des vêtements qui signalent son intégrisme religieux.
Il est dangereux de le rencontrer, car il peut tuer. C’était son but quand il se rendit à Damas avec des lettres accréditant son pouvoir d’arrêter des fidèles du Christ Jésus. Il me semble qu’il n’est pas illusoire de comparer le Paul de cette époque avant sa conversion au Christ avec les intégristes sectaires de toutes les religions. Nous parlons souvent de l’islamisme ; il ne faut pas oublier, les dérives de l’hindouisme observées avec le premier ministre Narendra Modi.
Au lieu de réunir, les religions divisent, car les préceptes religieux sont idolâtrés. Si les Romains, les Grecs sont adorateurs de dieux sculptés dans de la pierre, les Juifs de la tendance de l’école de Paul sont légalolâtres, c’est-à-dire adorateurs de la Loi. La vérité qui se trouve en Dieu en est ignorée, car elle passe après une obéissance aveugle à la Loi.
Aujourd’hui, après plusieurs siècles de confiance envers la science et le progrès technique nous sommes devenus inconsciemment des adorateurs du Progrès, de l’Argent, du Capital, qu’il soit privé ou d’État ; employons le mot capitalolâtre. Si l’on met l’accent sur la liberté individuelle, on peut parler de liberalolâtre. Bref, toute notre histoire récente serait à réviser avec l’éclairage qu’apportent ces mots qui montrent où se place l’absolu de notre choix.
Par exemple, aujourd’hui, comment la fête de Noël est-elle vécue ? Ne sommes-nous pas, malgré tous nos efforts de sobriété, emportés dans la mouvance d’un Noël consumériste ?
Comme Paul, par grâce venant de Dieu, a su se dégager de l’adoration de la Loi, acceptons de nous affranchir de la soumission au dieu Argent.
Parlons maintenant de ces savants qui, de très loin, viennent se prosterner devant un bébé. Ils ont une conviction qui les a propulsée en dehors de leur pays, au risque de leur vie. Ils sont quand même prudents comme on le voit avec leur démarche auprès d’Hérode. Vous connaissez ce récit de l’évangile selon Matthieu, il n’est pas utile de le commenter.
Paul, après avoir été bouleversé par le Christ se montrant à lui dans son corps de ressuscité, appartient désormais à la tendance de ceux et celles qui comme les mages, acceptent de quitter le ronronnement de la vie quotidienne légalisée. Il est dans les pas des « suiveurs d’étoiles » aptes à reconnaître la grandeur de Dieu dans le fils d’une femme. Voilà ce qu’il écrit :
« Par révélation, il (Dieu) m’a fait connaître le mystère du Christ… Ce mystère, c'est que toutes les nations (les païens, les étrangers) sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Évangile. »
Que veut dire mystère ?
Le mot mystère s'emploie couramment pour parler de ce qui est secret, ou caché. Dans l’Église on définit le mystère comme une vérité inaccessible à la raison, mais que Dieu donne à connaître en se révélant. Le mystère ne signifie pas que la foi et les vérités de foi soient contraires à l'intelligence et à la raison, mais qu'elles en dépassent les limites. La démarche de la raison ne suffit pas pour introduire dans la plénitude de sens des mystères, il faut une disposition intérieure d'accueil au don gratuit de Dieu.
Les mages ont rendu visite à la famille de Jésus et nous, aujourd’hui, nous accueillons le don que Dieu nous accorde en nous disposant à le comprendre tout en acceptant de ne pas tout comprendre.