3 Janvier 2020
Interview paru dans le journal La Croix du 20 décembre 2019 et son édition électronique du 23 décembre
La Croix : L’Église se sent-elle concernée par le conflit social que connaît la France
depuis deux semaines ?
Père Grégoire Catta : Avant même le début de la grève, nous avons réuni un groupe de
chrétiens de différents mouvements (Secours catholique, Action catholique ouvrière,
Mouvement chrétien des retraités, Mouvement chrétien des cadres et les Entrepreneurs et
dirigeants chrétiens). Engagés dans la société, ils défendent des points de vue différents
quant aux enjeux de la réforme des retraites. Il s’agissait, sans entrer dans le débat pour ou
contre, de s’appuyer sur les principes de la doctrine sociale de l’Église : l’option
préférentielle pour les pauvres, la solidarité, la participation… À l’issue de cette réunion,
j’ai rédigé une note qui a été envoyée à l’ensemble des évêques.
Je reconnais que notre participation est très modeste, il convient de se demander comment
aider au dialogue qui est en panne. Qu’un groupe de chrétiens, avec des avis distincts,
converge sur les principes, est une forme d’exemple. Une nouvelle réunion est prévue en
janvier. Se rappeler les principes, c’est un premier pas. En tout cas, l’Église n’a
évidemment pas de solution technique à apporter. La référence à la doctrine sociale de
l’Église n’apporte pas une réponse unique à tous les problèmes. Il ne faut pas d’y chercher
des raisons d’être favorable au gouvernement ou aux syndicats. Cela relève davantage
d’un discernement personnel.
La Croix : Très investie sur les questions de bioéthique ou pour l’accueil des migrants, comment se situe l’Église sur les questions sociales ?
Père Grégoire Catta : À mon sens, il faut se rappeler que les questions sociales sont un
lieu où doit aussi résonner l’annonce de la Bonne Nouvelle. Le pape François l’a souligné
très clairement dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, où il évoque la
dimension sociale de l’évangélisation : « Évangéliser, c’est rendre présent dans le monde
le Royaume de Dieu. » Cette dimension n’est – je crois – pas encore totalement intégrée
par les fidèles. Cela doit nous interpeller. Les questions sociales ne sont pas étrangères à
notre foi. La responsabilité des chrétiens est d’oser aussi s’intéresser à ces questions. Ce
n’est pas faire un pas de côté mais vivre notre foi jusqu’au bout.
La Croix : Comment l’Église peut-elle intervenir et quels messages peut-elle délivrer ?
Père G. C. : Il s’agit d’une question délicate. De fait, l’Église, dont les évêques, n’a pas à
se prononcer pour ou contre la réforme du gouvernement. Alors, quel type de parole peut-elle
tenir ? C’est compliqué, d’autant qu’une prise de position qui ne s’inscrit pas dans le
clivage pour ou contre a forcément moins de résonance et est moins médiatisée. Parmi les
différents messages de Noël des évêques, certains font allusion au climat social actuel.
L’encouragement à l’engagement est sous-jacent. Tout le monde est d’accord pour dire
que la question des retraites est majeure. Je suis convaincu qu’il est de la responsabilité
des chrétiens de s’engager. C’est ce que font certains mouvements chrétiens. Ainsi,
l’Action catholique ouvrière a publié un texte sur la réforme des retraites tout comme la
Mission ouvrière de Lille.
- Mouvement social, l’Église se sent-elle concernée ? (Journal La Croix du 29 Décembre)