5 Mai 2020
Dans le Val d’Oise, comme partout en France, la crise sanitaire s’est accompagnée d’un confinement qui a impacté la vie de la population.
En cette fête du 1er mai, fête des travailleurs et de Saint Joseph travailleur, nous, membres de la mission ouvrière, venons relayer des paroles d’enfants, de jeunes, de femmes et d’hommes de notre diocèse face à cette crise sanitaire. Ils expriment leur vie durant le confinement, leurs joies, leurs espérances et nous poussent à regarder vers l’avenir.
D’abord minimisée, la crise sanitaire- et le confinement - révèle les fragilités existantes de notre société : isolement des personnes notamment des aînés (à domicile mais également dans les EHPAD), dans la prise en charge de la maladie, les inégalités face à l’accès à l’éducation, au logement, à l’alimentation. Il y a aussi la peur de la contamination, d’être malades. Certains tournent en rond dans des appartements sans balcon. Julie (Sannois), « commence à en avoir marre » car elle n’a plus grand-chose à faire. Les SDF de l’aéroport de Roissy, déserté, sont abandonnés.
Quelques personnes vivent le confinement comme une parenthèse dans leurs vies très actives, Vinod (Argenteuil) l’exprime ainsi : « Ce qui me touche ce sont les applaudissements à 20h pour remercier les soignants. Tout mon quartier est par la fenêtre » ; Maïten (Goussainville) : « je me suis réappropriée ma maison ». C’est le temps aussi pour lire, se poser.
Pour celles et ceux qui travaillent, les conditions de travail ont changé avec les gestes barrière. Certains ont des horaires aménagés, les moments conviviaux sont prohibés. C’est la santé qui prime. Il y a des personnes qui sont placées en chômage partiel : « Au boulot, on travaille une semaine et la suivante on est en chômage partiel, on est équipé de masques, gants et gel ». Dans d’autres entreprises, il a fallu que le syndicat impose le Plan de Continuité des Activités qui prévoit les protections des salariés.
Tous les hôpitaux du département ont été débordés par l’afflux des malades, avec un manque de personnel et de matériel. Pour Joaozhino, infirmier, les difficultés sont « le manque de matériel et de moyen humain ». Certains de ses collègues sont en arrêt maladie. A l’hôpital d’Eaubonne des personnels d’Avignon sont venus en renfort. A Gonesse un atelier couture est mis en place pour confectionner des blouses pour les soignants de l’hôpital et de l’EHPAD.
Et puis, cette crise sanitaire, c’est l’occasion de prendre conscience de la présence des salariés « invisibles » (éboueurs, ambulanciers, caissiers.ères, personnel soignant, travailleurs sociaux etc…). Ils ne comptaient pas dans la société, et pourtant ils « font tourner la France ».
Pour d’autres en activité à distance, il a parfois fallu organiser très vite le télétravail. Parfois ce sont les salariés ou les agents de la fonction publique qui se sont fournis eux-mêmes pour pouvoir travailler chez eux et ce, sans compensation de leur employeur.
Il y a de nombreuses personnes qui ont soif de lien social. Les enfants, comme Leonel (Argenteuil), peuvent le vivre ainsi : « Cela me manque de ne plus voir mes copains de l’ACE et d’aller à l’église ».Pour Vincent (Cergy), professeur des écoles, « Cette crise nous apprend qu’on ne remplace pas le lien social ». Pour Hermeline (Gonesse), bénévole au Secours Catholique, « c’est une souffrance de ne pas pouvoir suivre et aider les personnes en grande fragilité. Sans les associations, ces personnes ne peuvent pas vivre. »
Le lien social, par la présence physique, fait cruellement défaut mais en mission ouvrière et dans les mouvements qui la composent, cela a été aussi une source d’innovation. Cela passe d’abord par l’attention des uns envers les autres, en particulier avec les plus petits. Comme Colette, une religieuse des Petites Soeurs de l’Ouvrier (Sarcelles), le rappelle « la solidarité et la fraternité sont toujours à l’oeuvre autour nous ». Beaucoup se sont donnés des nouvelles, de proches et moins proches. Conversations téléphoniques, échanges de mails, réunions d’équipes et apéros virtuels. Faire les courses pour ses voisins ou les personnes en fragilité, des plats pour le personnel soignant, partager des textes bibliques ou de réflexions de foi avec d’autres sont autant de moyens de favoriser le lien social. Il s’est réinventé et les solidarités perdurent.
Pour la santé : solidaires aujourd’hui et demain !
Et puis il y a un renforcement de l’importance des mouvements qui aident à surmonter l’épreuve collectivement, à prendre du recul sur l’actualité et à se serrer les coudes pas seulement dans un entre-soi, mais également pour rejoindre celles et ceux qui sont proches de nous. C’est également un moment de rencontre avec Dieu. Les célébrations étant suspendues, beaucoup de personnes se sentent perdues. C’est ce qu’exprime Prisca (Bezons) lorsqu’elle voit, sur les réseaux sociaux, les prêtres de sa paroisse célébrer tous seuls. Il y a également les familles en deuil privées parfois d’obsèques dignes de ce nom ; ce sont de véritables souffrances vécues par les personnes endeuillées. Alors se vivent aussi des communions spirituelles, sans lesquelles, « on meurt, on crève ». Des groupes de partage de foi se créent ou se redynamisent sur les réseaux sociaux, certains découvrent la prière. Cette expérience a pu leur apporter la paix et la sérénité et les amènent à s’engager à continuer à prier même après la crise. Les sites des mouvements (ACE, JOC et ACO) permettent aussi de se ressourcer pendant cette période. Les messes papales deviennent sources pour ré-abreuver sa foi. En ce temps pascal, on se rappelle que « C’est au coeur de la nuit de notre temps que brille la lumière de Pâques, la lumière d’une vie plus forte que la mort. »
Le confinement, aussi angoissant qu’il puisse être, nous pousse en mission ouvrière à demander à Dieu de nous donner « le courage du geste fraternel quand nos frères sont démunis ou opprimés ». Oui, vivre le confinement nous permet d’ « accepter cette épreuve pour l’offrir à Dieu c’est déjà la réduire, c’est la faire servir, elle devient rédemption comme cette croix de Jésus-Christ »
A l’heure des prémices du déconfinement, les membres de la mission ouvrière réfléchissent à l’après. De nombreuses questions sont posées : comment en est-on arrivé là ? Comment revoir notre modèle social (santé, services publics, valorisation des métiers etc..) ? Comment protéger les enfants, les professeurs et leurs familles ? Comment aider les travailleurs à faire respecter leurs droits et protéger leur santé dans la crise sanitaire ? Le confinement serait-il « tombé sur la planète pour nous aider à changer notre façon de vivre » ?
Stéphanie (Argenteuil), longtemps lassée de ses engagements militants, a senti sa flamme militante ravivée par cette période de confinement « après le confinement, s’il faut descendre dans la rue pour défendre mes droits et ceux des copains, je le ferai ». Il faudra davantage écouter et compter sur l’action des associations, syndicats, collectifs, partis, pour inventer une société meilleure.
Nous avons pris conscience qu’un si petit organisme peut détruire notre humanité. Nous prenons conscience aussi de manière frappante de l’impact négatif de l’homme sur la nature puisque l’air des villes est plus respirable actuellement. Nous espérons qu’il y aura une véritable prise de conscience sociétale, sociale et environnementale. Nous espérons un véritable changement. Nous l’appelons de nos voeux même si nous craignons qu’une part conséquente de la société veuille revenir « aux vieilles recettes ».
Nous aurons à continuer à prendre soin des uns et des autres, à rejoindre les plus petits, les plus fragiles ; nous aurons également à prendre soin de notre maison commune, la Terre, comme nous y invitait déjà le Pape François dans Laudato Si. Et aujourd’hui, c’est lui encore qui nous invite dans sa lettre aux frères et soeurs des mouvements et organisations populaires du 13 avril 2020 : « Notre civilisation, si compétitive et individualiste, avec ses rythmes frénétiques de production et de consommation, ses luxes excessifs et des profits démesurés pour quelques-uns, doit être freinée, se repenser, se régénérer. Vous êtes des bâtisseurs indispensables à ce changement inéluctable. Je dirais même plus, vous avez une voix qualifiée pour témoigner que cela est possible. »
Le premier mai est une journée de solidarité internationale pour le monde du travail. L’Organisation Internationale du Travail estime que 1,5 milliard de travailleurs pourraient perdre leur emploi avec cette crise. Unissons-nous pour que partout les droits soient préservés ou étendus, et que la dette des pays pauvres soit annulée.
PLUS FORTS ENSEMBLE !
Parole de la Mission Ouvrière du Val d'OIse (95) à l'occasion du 1er Mai 2020