8 Décembre 2018
L'actualité des dernières semaines s'imposent à tous. Dans cet article, nous ne prenons pas positions, nous vous mettons un ensemble d'article, de réactions pour permettre à chacun de s'informer, de prendre du recul et de permettre le dialogue.
"Faut-il payer l'impôt à César ?", par les évêques de Normandie
Signataires de la tribune : Jean-Claude Boulanger (Bayeux-Lisieux), Jean-Luc Brunin (Le Havre), Jacques Habert (Séez), Laurent Le Boulc’h (Coutances et Avranches), Dominique Lebrun (Rouen), Christian Nourrichard (Evreux).
« Faut-il payer l’impôt ? » Les chrétiens connaissent la question posée à Jésus dans l’Evangile. Sa réponse est davantage connue : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Cette maxime est souvent interprétée pour demander aux croyants de réserver leur foi à Dieu et de se comporter comme tous les autres citoyens pour le reste. Les évêques de Normandie n’entendent pas dicter des décisions, encore moins donner des leçons. Conscients des enjeux qui dépassent toute frontière, ils proposent quatre réflexions. Comme Jésus et tous l’ont compris, la question réelle de l’impôt en cache bien d’autres.
Notre première réflexion est un appel à cesser toute violence. Celle-ci a des formes manifestes, physique ou verbale, et d’autres plus subtiles. L’injustice, le mépris ou l’ignorance sont aussi des violences. Mais une violence n’en justifie pas une autre. Comment arrêter l’engrenage ? Il n’y a pas d’autres moyens que l’humilité, la reconnaissance de l’autre, et le désarmement. Chacun peut éviter de mettre de l’huile sur le feu, dans ses conversations et par son attitude. Mieux, soyons convaincants auprès de notre voisin tenté par la violence.
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Les mouvements sociaux qui secouent notre pays révèlent la réalité de la fracture sociale. Elle n’est pas tant idéologique qu’existentielle, liée à un décrochage économique et un sentiment d’exclusion sociale. Les mouvements de colère et de révolte proviennent en grande partie de personnes qui éprouvent douloureusement le sentiment de ne compter pour rien, d’être ignorées, de n’avoir aucune prise sur les décisions, d’être les oubliées du système qui régit la société. Pouvons-nous durablement garantir une cohésion sociale avec près de 3 millions de personnes privées d’emploi ou en emploi précaire ? … avec 9 millions de nos concitoyens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ?
La révolte sociale a éclaté avec l’annonce d’augmentation des taxes sur les carburants. Mais au-delà de cette mesure qui participe de la transition énergétique, c’est le poids des prélèvements fiscaux et les difficultés de boucler les fins de mois dans beaucoup de familles, qui génèrent ce mouvement de désespoir et de colère. Nous ne pouvons accepter les violences, verbales ou physiques, celles qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes (manifestants et membres des forces de l’ordre) et des biens, celles qui sont causées par l’exclusion des plus pauvres et le rejet des migrants, celles qui visent à déstabiliser les institutions et à compromettre le fonctionnement de l’Etat.
Ces événements graves qui affectent la vie sociale et politique de notre pays, ne peuvent laisser les chrétiens indifférents. Nous sommes éclairés par notre foi au Christ venu rassembler l’humanité dans une fraternité ouverte au nom d’un Dieu, Père de tous les hommes. J’appelle donc les chrétiens à s’abstenir, dans leurs paroles, leurs comportements ou leurs initiatives, de « jeter de l’huile sur le feu » pour ne pas aggraver encore les divisions au sein de la société française…
Le document des évêques de France, à l’automne 2016, – Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique -, faisait déjà le constat que nous vivions dans une société où on ne se supporte plus, où on perd le sens du dialogue et du débat. Nous nous révélons trop souvent incapables de resituer nos attentes individuelles dans une perspective globale qui, seule, permettra une juste vision du bien commun. L’absence des corps intermédiaires dans les événements que nous traversons, se fait sentir cruellement en ces temps de troubles. Elle handicape l’action des responsables politiques et compromet l’efficience du dialogue social. Sans les corps intermédiaires, les solidarités ne peuvent que s’étioler ou se reconstruire de façon catégorielle ou, pire encore, instaurer l’anarchie, la violence et la loi du passage en force.
Pour conjurer toute action violente et sortir de la crise qui secoue notre pays, la proposition du gouvernement d’initier des débats décentralisés dans les divers territoires, semble être une piste intéressante qu’il ne faut pas ni méconnaître, ni bouder. De tels espaces de dialogue doivent rassembler élus, organisations syndicales, associations, ainsi que les citoyens qui voudront y prendre part. Dans le diocèse du Havre, je veux encourager les fidèles laïcs à participer activement à ces dialogues citoyens. Ce seront des lieux importants pour définir les modalités d’un système fiscal plus juste, un développement économique plus inclusif, mettant au centre le souci de l’homme avant le profit financier. Mais il faudra aussi veiller à ce que les débats abordent les modalités de lutte contre le réchauffement climatique et le respect de l’environnement naturel.
Il faudra aussi veiller à dépasser la seule et nécessaire expression des mécontentements et des revendications, pour aller jusqu’à la proposition de vraies solutions réalistes et efficaces. Pour cela, les dialogues engagés doivent consentir à définir le sens de ce que nous voulons construire ensemble, à partir de références théoriques et éthiques. Celles-ci peuvent être fournies par les corps intermédiaires (analyses et projets des partis politiques, des organisations syndicales, des associations…), mais aussi par les citoyens.
Les chrétiens sont engagés diversement dans la société. Leur vision de l’avenir et leurs analyses des situations sociales peuvent légitimement diverger. Cependant, ils doivent pouvoir s’impliquer dans le dialogue proposé, avec les outils que fournit la pensée sociale de l’Eglise, notamment, sur les questions actuellement débattues, de l’enseignement du pape François dans l’encyclique Laudato si’. Il fournit les moyens de dépasser l’opposition contre-productive entre l’action pour la transition écologique, nécessaire pour sauver la planète, et l’action pour garantir le pouvoir d’achat, aussi nécessaire pour assurer plus de solidarité et davantage d’équité dans les moyens de vivre. Nous ne pouvons nous résoudre à voir se déconnecter ces deux champs de responsabilité collective.
Les événements difficiles que nous traversons, vérifient la justesse des analyses et des propositions du pape François : « Tout est lié » … « écologie intégrale » … « entendre la clameur des pauvres et la clameur de la terre » ! La transition énergétique pour maintenir les engagements de la COP 21, repris et chiffrés aujourd’hui par la COP 24 en Pologne, doit être poursuivie avec détermination. Il y a urgence ! Mais la transition solidaire qui permettra aux plus pauvres et aux plus fragiles de vivre dignement, doit l’être tout autant. Il ne serait pas acceptable que le coût de la transition énergétique pèse trop lourdement sur les personnes et les familles les plus pauvres. D’autres ressources financières peuvent et doivent être mobilisées. Les chrétiens qui participeront aux débats citoyens, doivent pouvoir faire valoir ce que le pape François appelle la « conversion écologique ». Elle engage à la recherche de nouveaux comportements et à des engagements concrets pour construire les modalités de notre vivre ensemble, respectueux de la terre et des plus pauvres.
Il n’appartient pas à l’Eglise catholique d’élaborer des solutions susceptibles de sortir de la crise que nous traversons. Mais il lui revient d’inviter et de mobiliser les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté, à prendre part activement à la construction d’une vision partagée du bien commun et à la prise de conscience d’une communauté de destin sans lesquelles il ne peut y avoir de société juste, pacifiée et fraternelle.
+ Jean-Luc BRUNIN
Évêque du Havre
Plusieurs évêques s’expriment sur les mouvements des « Gilets jaunes ». Face aux violences qui ont émaillé les manifestations de ces dernières semaines, ils appellent au dialogue et à la fraternité.
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Les organisations syndicales CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, et FSU se sont retrouvées jeudi 6 Décembre pour échanger sur l’actualité sociale.
Elles rappellent que, depuis des mois, face aux inégalités sociales et territoriales, elles ont réclamé des politiques publiques permettant de la justice sociale. Elles rappellent aussi que, depuis des mois, elles ont appelé le gouvernement à les écouter à travers un véritable dialogue social.
Aujourd’hui, dans un climat très dégradé, la mobilisation des gilets jaunes a permis l’expression d’une colère légitime. Le gouvernement, avec beaucoup de retard, a enfin ouvert les portes du dialogue.
Nos organisations s’y engageront, chacune avec ses propres revendications et propositions, en commun chaque fois que cela sera possible. Les sujets du pouvoir d’achat, des salaires, du logement, des transports, de la présence et de l’accessibilité des services publics, de la fiscalité doivent trouver enfin des débouchés concrets, créant les conditions sociales d’une transition écologique efficace parce que juste.
Le dialogue et l’écoute doivent retrouver leur place dans notre pays. C’est pourquoi nos organisations dénoncent toutes formes de violence dans l’expression des revendications.
La CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, l’UNSA, la FSU appellent le gouvernement à garantir enfin de réelles négociations. Cela suppose qu’elles soient larges, ouvertes et transparentes, au niveau national comme dans les territoires.
Par la Revue Projet et un collectif d’associations, syndicats et chercheurs de sensibilités variées
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Lutter contre les inégalités est le leitmotiv de bien des mobilisations. Mais la finitude de notre planète oblige à renouveler la réflexion. Une tâche à laquelle s’est attelé, avec la Revue Projet, un groupe d’associations, syndicats et chercheurs de sensibilités variées. D'où un texte fort, qui refuse d’opposer enjeux sociaux et environnementaux. À lire en intégralité sur le site du Ceras, cliquez ici ! |